A l’occasion du communiqué de presse annonçant le départ des représentants de France nature environnement (FNE) du Conseil paritaire de la publicité (CPP), le CPP lors de sa plénière du jeudi 17 septembre 2020 a pris le temps de mesurer les conséquences d’une telle décision et son président a précisé quelques points en réponse au communiqué de FNE.
Tout d’abord, il semble utile de bien repréciser ce qu’est l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), et ses instances associées, le CPP en particulier.
L’ARPP, association professionnelle et non organisme d’Etat, s’appuie pour son fonctionnement sur trois instances associées, en lien avec la société civile : le Conseil de l’Ethique Publicitaire (CEP), le Conseil Paritaire de la Publicité (CPP) et le Jury de déontologie publicitaire (JDP).
L’ARPP (anciennement BVP) veille au contenu des messages publicitaires depuis 1935. Elle a associé la société civile à la construction des règles déontologiques, qui vont au-delà du droit dur (la loi) et qui demeurent des engagements essentiels pris par l’interprofession (les marques, les agences et tous les médias réunis au sein de l’ARPP).
Deux points historiques sur les relations de l’ARPP avec les associations et les autorités sont à rappeler ou préciser :
- l’ARPP et les associations de consommateurs travaillent ensemble depuis de nombreuses années. Ce travail conjoint de l’ARPP avec les associations de consommateurs est né de l’idée d’instaurer une concertation entre les associations agréées de consommateurs et les professionnels de la publicité dans le cadre des travaux d’une commission animée par Madame Scrivener d’octobre 1978 à juin 1979. Ce fut le départ d’une dynamique de développement des responsabilités des professionnels plutôt qu’à celui du pouvoir réglementaire et la concertation y fut préconisée comme un moyen d’éclairer l’autodiscipline, de la renforcer, de la faire vivre.
En mars 1980, un Avis adopté par le Conseil Economique et Social intitulé « la place et le rôle de la publicité dans l’information des consommateurs » reconnut le bien-fondé d’une telle concertation comme moyen de « rapprocher les consommateurs des autres agents économiques et de développer leurs responsabilités respectives ». C’est sur ces bases, en juin 1980, que fut mise en place la Commission de concertation, instance paritaire permanente entre représentants des organisations agréées de consommateurs et représentants de l’interprofession publicitaire (annonceurs, agences et médias).
En 2008, à l’issue des travaux du Conseil National de la Consommation (CNC) relatifs à la régulation publicitaire, elle est devenue le Conseil Paritaire de la Publicité. Le dispositif fut élargi aux représentants d’associations environnementales et organisations sociétales, même si les associations agréées de consommateurs œuvraient aussi de longue date sur les questions environnementales.
- l’ARPP a des liens, depuis des décennies, avec des autorités comme l’AMF, l’ARJEL (aujourd’hui l’ANJ), le CSA, la DGCCRF… et ces autorités ont toujours pu s’appuyer sur les missions de l’ARPP et des instances associées ; elles reconnaissent le travail accompli au quotidien sur le contenu des messages publicitaires et l’expertise de l’ARPP dans le domaine de la publicité.
Ce dispositif d’une régulation professionnelle, concertée de manière loyale et transparente avec la société civile, telle que pratiquée par l’ARPP avec le CPP, permet d’utiliser ses capacités d’adaptation rapide aux attentes sociétales et publiques et son contrôle, efficace et proportionné, comme un outil, qui évite la loi, un système beaucoup plus lourd.Lors de l’installation intiale du CPP, il y a 12 ans, les associations de consommateurs présentes avaient exprimé qu’elles joueraient le jeu, mais que si elles constataient qu’elles ne servaient à rien, elles se retireraient du dispositif sans état d’âme. Il est à noter qu’une association a effectivement quitté le dispositif.
De façon à garantir la qualité du travail et l’indépendance des associations participant au travail du CPP plusieurs règles furent établies dont :
- La non divulgation des contenus de discussion tenues lors des groupes de travail.
- La possibilité pour un membre ou plusieurs membres d’exprimer une position minoritaire lors de l’adoption d’un avis. Cette position pourrait être rendue publique par le site du CPP. Ce dispositif n’a jamais été utilisé par aucun membre du CPP durant les 12 ans ; jamais la demande n’a été faite.
- Le CPP peut s’auto-saisir de certaines questions et peut même, s’il le souhaite, travailler sur des questions en marge de son champ d’action.
Et c’est bien là que se situent plusieurs points à éclaircir : le champ d’action.
En effet, le CPP n’a pas vocation à travailler sur autre chose que les règles déontologiques, c’est-à-dire sur la forme de la publicité. Le fond, c’est-à-dire la nature même des produits, n’est pas dans son champ d’action. Soit un produit est interdit de vente en France et ipso facto la publicité n’en est pas légale, soit le produit est disponible sur le marché et la publicité en est légale et le CPP peut travailler sur le projet d’une règle déontologique… A l’exception, bien sûr, des produits pour lesquels l’Etat a promulgué une loi interdisant ou limitant la publicité (médicaments, alcool, tabac…).
Il est donc difficile d’entendre que le travail du CPP soit remis en question pour appuyer des demandes d’interdictions hors du champ de compétence de ce dispositif !
Le CPP est très conscient des demandes sociétales fortes et veille à faire entendre ces éléments à l’ensemble des professionnels, qui, bien souvent, en tant que citoyens, sont aussi porteurs de ces demandes et attentes. Lors des groupes de travail, de très nombreux représentants de ces points de vue ont été auditionnés et lors des AG de l’ARPP, le président du CPP s’est régulièrement fait l’écho de ces attentes fortes et incontournables.
Le CPP ne peut pas accepter les termes « culture du débat contradictoire presque inexistante », « incapacité à traiter les sujets de fond », « stratégie d’influence bien huilée », surtout lorsqu’ils sont écrits par une association qui siège au CPP depuis 12 ans et qui, dès lors, ne peut ignorer que le principe du contradictoire est le fil conducteur de tous les échanges entre les membres du CPP, mais également avec les parties prenantes auditionnées ; qui, de plus, ne peut faire abstraction que le CPP traite de sujets de fond sur le contenu des messages et ce depuis son origine, sa création et, qu’enfin, aucune stratégie d’influence ne peut être relevée puisque le dialogue et la concertation sont au coeur de tous les débats.
Le dialogue est par nature au sein du CPP et on ne peut pas affirmer que ce ne serait pas un lieu de dialogue juste parce qu’on n’a pas obtenu satisfaction sur des points, hors champs, de surcroit. Le dispositif n’est pas mauvais parce que l’on croit à avoir raison seul !La phrase « France Nature Environnement en tire les conclusions, et ne renouvellera pas son mandat au Conseil Paritaire de la Publicité après 12 ans de tentatives de dialogue, de concertation, d’alertes et de propositions » peut surprendre. Comment parler ainsi alors même que tous les avis rendus par le CPP sur le sujet du développement durable ont été adoptés à l’unanimité après dialogue et concertation sans utilisation de la possibilité offerte et déjà abordée :
« Les conclusions des groupes de travail sont reprises sous forme d’avis adoptés, le cas échéant, par voie électronique, par le CPP exprimant, aussi, si besoin est, les divergences apparues au cours des discussions. »
Et sur ces sujets-là, il n’y en a pas eu.
Les membres du CPP ont été fortement surpris d’apprendre par un communiqué de presse que FNE allait quitter le CPP. Le terme utilisé de « claquer la porte » parait d’une force incroyable et aurait au moins mérité une discussion collective, voire avec le bureau, dont FNE est un des membres… Où est l’esprit de dialogue tant désiré ? Le travail du CPP est fondé depuis ses origines sur un respect mutuel qui va bien au-delà du simple devoir de réserve prévu dans le règlement intérieur du CPP…
Le dispositif de régulation professionnelle de la publicité porté par l’ARPP, stimulé par le CPP qui est composé de professionnels et de représentants associatifs, est un organe unique en Europe, très envié dans les autres pays. Le CPP intervient directement et concrètement sur les règles déontologiques qui encadrent le contenu de la publicité par ses avis. Il est à noter que presque tous les avis du CPP ont été confirmés en règles (nouvelles ou modifiées) à une seule exception en 12 ans (et il s’agissait d’un point qui a été expliqué longuement sur un avis concernant les produits cosmétiques).
Enfin, il est important de préciser que les professionnels ont aussi une conscience environnementale et citoyenne.
Paris le 21 septembre 2020.