Avis du CPP Nouveaux médias

1) Contexte général de l’avis

Dans un contexte caractérisé par :

  • Des convergences numériques multiples (le rapprochement des terminaux et des services, la porosité, devenue importante, entre les industries créatives, des médias, des télécommunications et de l’Internet, la multiplication des appareils multifonctions…)
  • Le développement de l’Internet participatif et coopératif (explosion des réseaux sociaux, des blogs, des wikis… au cours des 5 dernières années)
  • Et l’investissement par les marques de ces espaces et technologies, par de nouvelles formes de publicité.

Le Conseil d’Administration de l’ARPP a souhaité actualiser la Recommandation Internet support publicitaire, datant de 2005, pour sa seconde version.

Compte tenu de la complexité de cet univers numérique, le CPP précise que le présent avis voit son champ délimité à la Publicité sur Internet et sur les nouveaux médias (mobile etc.), conformément aux prérogatives de l’ARPP.

L’objectif de la mise à niveau de la Recommandation Internet de l’ARPP devra répondre à la double nécessité :

  • d’étendre et d’adapter les Règles déontologiques professionnelles à la communication publicitaire digitale interactive et à ses spécificités
  • d’harmoniser les champs de compétences et les bonnes pratiques des organismes d’autodiscipline européens.

2) Positions dégagées par le Conseil Paritaire de la Publicité

Le Conseil Paritaire de la Publicité souligne les points suivants :

  • Il est difficilement concevable de retrouver en « libre circulation » sur ces nouveaux médias des publicités refusées sur d’autres supports. Une application uniforme et indifférenciée des règles déontologiques, indépendamment du support de communication, est essentielle même si on peut comprendre, par ailleurs, que le public fréquentant Internet se comporte différemment et peut avoir accès à d’autres formes de communication. La crédibilité du système d’autorégulation est à ce prix.
  • Ce principe général étant posé, le Conseil comprend néanmoins que, sur certains sujets, il soit pertinent pour l’ARPP de tenir compte du profil des publics (en termes quantitatifs et qualitatifs) recevant la publicité. Valable pour les médias traditionnels, ce principe d’adaptation de l’interprétation déontologique vaut également pour les nouveaux médias numériques.
  • L’évolution des formats et des techniques publicitaires (le marketing viral, les contenus de marques, l’intervention du public dans la création publicitaire, les blogs publicitaires etc.) ne saurait rendre l’identification du caractère publicitaire et l’identification de l’annonceur malaisées.
  • La protection du jeune public doit être d’autant plus garantie, compte tenu de la de la forte fréquentation et utilisation des services en ligne par celui-ci, et de leur caractère interactif. Une attention toute particulière doit être portée sur les services destinés principalement aux enfants et adolescents.
  • Le respect des exigences de décence et de dignité de la personne humaine, de loyauté et de véracité doit être garanti sur les nouveaux médias, au même titre que sur les autres supports.

Avis publié le 26.11.2010

Une publicité équitable respecte tout le monde

Michel Bonnet, expert auprès de Familles de France, est depuis sa création en 2008, le Président du Conseil Paritaire de la Publicité. Le CPP vient de publier un nouvel avis relatif à la publicité sur les nouveaux médias, qui a inspiré la nouvelle Recommandation Communication publicitaire digitale.

Le CPP a été créé en 2008 et vous en avez tout de suite été nommé Président. A mi-mandat, quel bilan tirez-vous ?

Michel Bonnet : Tout d’abord, je voudrai rappeler que si le CPP est un nouvel acteur dans une nouvelle organisation avec quelques personnes nouvelles dont je fais partie, ce qui a pu contribuer à donner un nouvel élan, il y a toujours eu une concertation. Celle-ci était déjà en place avant la création de l’ARPP, même si certaines personnes étaient un peu usées par l’ancien système pour avoir essayé de faire bouger les choses, sans succès. Il a donc fallu mobiliser les énergies dès le départ et nous y avons été aidés par le renfort des gens de l’environnement qui entraient dans un système qu’ils ne connaissaient pas, mais qui avaient des choses à dire et à mettre en œuvre.

Résultat ?

M.B. : J’ai le sentiment après ces deux premières années, que tout le monde arrive à parler avec tout le monde, ce que l’on annonçait être impossible. Sur les 4/5e des dossiers, nous sommes dans des relations d’échange, de respect de l’autre, de bon sens. On a assez vite compris quels étaient les points auxquels chacun tenait, car il en avait besoin pour faire avancer son association et cela se passe bien parce qu’on se parle, on s’écoute, on se respecte.

 

Sur les 4/5e des dossiers, nous sommes dans des relations d’échange, de respect de l’autre, de bon sens.

 

En 2009, le CPP a publié 4 avis, il vient d’en sortir un 5ème sur la communication digitale, sur des sujets plus ou moins « faciles ». Comment cela s’est-il passé ?

M.B. : Notre premier avis a concerné le Développement durable dans la publicité et la communication commerciale. Ce n’était pas gagné !

Justement, qu’est-ce qui a fait que cela a marché ?

M.B. : Chacun a travaillé activement, a étudié en profondeur le sujet, s’est plongé dans les textes, dans la réalité du moment. Nous avons aussi pu avancer grâce à deux personnalités de très haut niveau qui ont su faire naître la réflexion et le dialogue : Pierre Siquier chez les professionnels et Thierry Libaert de la Fondation Nicolas Hulot pour les associations et au final, il n’a fallu trancher que sur une seule phrase. Ce bon début a rassuré tout le monde, même si cet avis est imparfait et mériterait une remise à jour.

Les sujets suivants ont-ils été plus faciles ?

M.B. : Pas tant que cela ! Nous nous sommes penchés sur les jeux d’argent, puis sur les comportements alimentaires, un sujet sur lequel je suis très sensibilisé chez Familles de France, qui est présidée par le professeur Henri Joyeux, cancérologue, très à cheval sur le sujet de l’alimentation.

Les jeux d’argent ont aussi fait l’objet d’un bilan

M.B. : Après la mise en œuvre de cet avis, nous nous sommes posés quelques questions et l’ARPP a fait une pige, dont l’objet est de repérer les actions qui sont un peu limites par rapport à la règle déontologique ou qui l’ont franchie. En nous penchant sur le sujet, nous avons vu que le CPP et l’ARPP n’ont pas toujours la licence pour regarder tout ce qui se passe dans la publicité. Par exemple, nous avons saisi le CSA en voyant à l’écran un consultant sportif, donc assimilé à un journaliste, faire la promotion du site de jeux à la mi-temps du match qu’il était en train de commenter. On sent bien que l’on approche là des sujets délicats et fragiles. D’où l’importance que nous donnons au fait que la publicité soit bien identifiée, de même que son émetteur. Ce problème peut être réglé de deux façons différentes : soit en créant une règle déontologique qui fasse qu’un consultant soit soumis aux mêmes règles qu’un journaliste et ne puisse pas faire de publicité, soit en identifiant les séquences de promotion de ces jeux qui ne peuvent plus être sponsors des diffusions sportives.

L’avis suivant portait sur les produits cosmétiques…

M.B. : C’est un sujet très technique que nous connaissions peu au départ et j’avoue que j’avais un peu peur que le Vice-Président qui travaille chez L’Oréal et est choisi parmi les professionnels n’écrase le groupe de par sa connaissance du sujet. J’ai tout de suite été rassuré par le fait que Loïc Armand a parfaitement joué le jeu du dialogue et celui-ci a été très ouvert avec les professionnels sur des sujets comme les tests sur la personne, les tests cliniques, la taille des échantillons utilisés par les études de satisfaction… Au final seul un point de notre avis n’a pas été repris par les professionnels.

Lequel ?

Les associations avaient demandé que les tests soient validés par des laboratoires externes, or nous n’avions pas réalisé qu’un laboratoire indépendant cela ne veut rien dire. Car on peut être dans une entreprise et avoir à la tête du laboratoire, un patron très indépendant des marques ou a contrario être un laboratoire indépendant et ne travailler que pour une seule marque.

Est-ce que cela a créé des tensions ?

M.B. : Pas du tout, car tout le monde a été capable d’entendre pourquoi ce point n’était pas retenu et personne ne l’a vécu comme un conflit ou une trahison. Simplement l’Avis Publicité Cosmétique a été suivi d’une règle et d’un message d’une association expliquant que nous n’avions pas été suivis. Le rôle du CPP c’est aussi d’accepter de prendre du temps pour faire bouger les choses.

Justement, comment voyez-vous le rôle des associations au sein du CPP ?

M.B. : Nous ne sommes pas venus pour regarder mais pour reformater le dialogue, pour que les pratiques évoluent dans le sens du bien général. Une publicité équitable respecte tout le monde. Nous sommes d’accord avec le fait qu’une publicité est faite pour vendre et nous sommes conscients que les consommateurs ont besoin de la publicité pour savoir quels sont les nouveaux produits, les promotions… C’est un jeu où tout le monde a à gagner d’une publicité équitable.

Venons-en à 2010 !

M.B. : Nous avons encore plus travaillé car nous avons ouvert des chantiers majeurs, non pas que les précédents aient été mineurs, mais nous nous sommes penchés sur l’argument prix dans la publicité, un sujet plus lourd que d’autres car les consommateurs y sont très sensibles, étant très attentifs au coût de la vie. Quant aux commerçants, ils ont leurs règles, ils ont intégré les mentions légales rectificatives et ne veulent pas restreindre leur liberté. Pour autant cela n’a pas été ce que j’appelle un « chantier jungle ».
En fait, il y avait deux risques. Le premier était que notre travail se traduise par des règles qui s’additionnent et que ce dossier devienne quelque chose d’incompréhensible.

Et le second ?

Les associations avaient peur de ne pas être assez entendues car le consommateur veut savoir ce qu’il va payer et nous avons montré que cela n’était pas toujours le cas. C’était d’autant plus un sujet épineux que sa discussion ne s’était pas bien passée au Conseil national de la consommation et que j’avais eu le culot d’annoncer au CNC que nous allions nous en occuper.

Comment le CPP a-t-il géré ce dossier ?

M.B. : Tout de suite, le dossier a été scindé en deux, avec une partie sur l’argument prix dans le commerce en général et dans la publicité et une autre partie sur le cas spécifique du tourisme. Dans ce dernier cas, nous avons demandé aux professionnels de faire un lexique du langage utilisé, car lorsque l’on dit « taxe » dans la vie courante, tout le monde sait que l’on parle de la TVA. Concernant un voyage, on parle de taxes aéroport, de taxe de transfert…, et plus on entre dans la mondialisation, plus ces données ne sont plus comprises de la même façon et peuvent évoluer du jour au lendemain. Or qu’est-ce qui fait une publicité équitable ? C’est d’abord qu’elle utilise un même langage, connu par les opérateurs, les consommateurs… Le travail d’une commission paritaire est de rappeler tout le monde au bon sens et de faire qu’on puisse dialoguer. Le langage en fait partie et il nous a paru important de repartir de celui des professionnels.

A quel stade en est cet Avis ?

M.B. : Il n’est pas encore publié mais déjà sa trame est validée et je remercie Loïc Armand pour ce qu’il a apporté dans ce groupe de travail. On a vu des choses qui relevaient de comportements pas normaux et il l’a dit.

Quelle est votre définition d’une bonne publicité pour le consommateur?

M.B. : En dehors de tous les aspects créatifs, une bonne publicité c’est celle où les consommateurs disposent de toutes les informations dans des conditions normales. Et ce n’est pas toujours le cas, Parfois c’est facile à voir : quand une bouteille de vin coûte 7 €, mais qu’on s’aperçoit en lisant les petits caractères en bas de la page qu’en fait pour obtenir ce prix, il faut en acheter 6, on est évidemment dans le non-respect de la Règle déontologique. Mais parfois c’est plus ambigu. Si je reprends l’idée de mes bouteilles vendues par 6 à 42€, soit 7€ la bouteille, en fait je peux aussi ne la payer que 6,80€ avec la carte de fidélité du magasin, qui me donne un avantage de 0,20€ en gain différé. A ce stade, il faut être Bac + 5 pour faire ses courses et il est évident qu’il y a un effort de clarification à faire pour que le consommateur sache ce qu’il va payer à la caisse. Ce chantier n’est pas terminé, même si l’avis provisoire commence à faire unanimité.

Pour qu’une publicité soit bonne, il faut que les Consommateurs disposent de toutes les informations.

Le deuxième chantier important de 2010, c’est celui des nouveaux médias qui vient d’être publié et a été suivi par une nouvelle remise à jour par l’ARPP de la Recommandation Internet support publicitaire, rebaptisée : Recommandation Communication Publicitaire Digitale. Qu’est-ce qui vous tenait à cœur sur ce sujet ?

M.B. : On ne peut pas imaginer de retrouver sur Internet ou sur les nouveaux supports des publicités qui ont été refusées sur d’autres médias, y compris sur le site de la marque.

Des exemples ?

M.B. : Les mannequins anorexiques des Galeries Lafayette, la glissade avec looping d’un enfant signée Orange, les campagnes condamnées de Leclerc… dont le Jury de Déontologie Publicitaire ont relevé les manquements

Que se passe-t-il au niveau européen ?

M.B. : Nous sommes dans un espace commun de commerce, mais nous voyons bien qu’au niveau publicité, nous avons des différences culturelles. La publicité nordique ou la publicité espagnole ne déclinent pas l’humour de la même façon que la publicité française. Il faut respecter la culture de chacun des pays et en même temps s’il y a des choses trop différentes qui arrivent chez nous, on peut juger que ce n’est pas acceptable.

Quels sont les trois sujets qui vous paraissent les plus importants chez nous ?

M.B. : Tout d’abord, le respect de l’image de la personne humaine. Nous faisons tout pour que les hommes et les femmes soient traités au même niveau dans la publicité et qu’il n’y ait pas de stéréotypes dénigrants (racisme, différences sexuelles…). De même, nous sommes très attachés au respect et à la protection de l’enfant mais aussi à ne pas affaiblir la position de prescription parentale ou celle du professeur. Ensuite, le troisième grand volet, c’est l’identification de l’annonceur. Quand circule un petit film ou une vidéo qui mettent à mal un produit, c’est important de savoir qui est en train de jouer. En France, on a beaucoup confondu dans les médias informateur, journaliste et correspondant local bénévole, sans se pencher sur leur statut. Puis, sont arrivés les consultants et maintenant les blogueurs ainsi que de nouvelles formes de publicité qui cherchent à ressembler à l’information. Tout cela crée de l’ambigüité : qui parle et au nom de qui ? Même si on sait qu’on ne peut pas réglementer Internet de façon aussi simple que pour les autres médias, car toute mesure de restriction va faire hurler, il est important d’écrire un texte pour inviter à plus de conscience professionnelle. C’est salutaire, pour tout le monde. Quand ce ne serait-ce que pour dénoncer les blogueurs qui font circuler des rumeurs complètement fausses, ce serait déjà bien ! Se poser des questions ne veut pas dire refuser le progrès !

Pour conclure, si vous deviez faire passer un seul message ?

M.B. : La régulation et la médiation, ça marche vraiment ! C’est peut-être banal à dire, mais c’est véridique. L’ensemble du travail que nous avons accompli est la preuve que l’on n’a pas besoin de s’insulter, de se déchirer pour faire avancer les choses dans le sens d’une publicité équitable qui respecte tout le monde : les consommateurs, les vendeurs, les fournisseurs… En même temps, il ne s’agit pas de faire de l’autosatisfaction : faire le bilan c’est aussi mesurer la longueur du chemin qu’il reste à parcourir…

Le CPP en résumé

Composition : 18 membres.
9 représentants des associations de consommateurs et environnementales et 9 représentants de la sphère professionnelle . Le président est élu parmi les membres issus de la sphère associative.

Rôle : Instance de concertation.
Sa mission est d’alerter le Conseil d’Administration de l’ARPP sur les demandes et inquiétudes des associations au regard du contenu de la publicité et de sa régulation professionnelle.

Fonctionnement : rend des avis.
Se réunit en séance plénière au minimum tous les deux mois. Consulté préalablement à l’élaboration des règles déontologiques, le CPP rend un avis (rendu public sur son site) qui inspire les professionnels qui vont rédiger les dites règles. Il participe à un bilan annuel permettant d’évaluer l’application des règles de l’ARPP sur les sujets sensibles. L’un de ses enjeux importants est le transfert d’expertise entre ses membres de la sphère associative et ses membres de la sphère professionnelle.

 Les cinq avis du CPP

En 2009, le CPP a publié quatre avis sur la publicité :

Et les produits cosmétiques

Et les comportements alimentaires

Des jeux de hasard et d’argent

Eco-responsable

En 2010, il vient de sortir l’avis sur :

La publicité et les nouveaux médias

Avis publié le 26 novembre 2010