Avis du Conseil Paritaire de la Publicité relatif à la Recommandation ARPP Comportements alimentaires

Sommaire

I – Contexte
II – Constats
III –  Position dégagée par le CPP

I – Contexte

En application de la Charte visant à promouvoir une alimentation et des comportements favorables à la santé dans les programmes audiovisuels et les publicités (2020-2024), dite « Charte alimentaire » signée le 31 janvier 2020, les annonceurs et/ou l’Union des marques se sont engagés à proposer au Conseil Paritaire de la Publicité (CPP) d’actualiser la recommandation de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) intitulée « Comportements alimentaires », adoptée en septembre 2009 et révisée en 2014.

Le CPP a, dès lors, été saisi par le Conseil d’Administration de l’ARPP pour rendre un avis au regard de sa mission qui est d’exprimer les attentes des parties prenantes préalablement à l’élaboration ou à la mise à jour d’une Recommandation du Code de l’ARPP.

Le présent Avis est donc le troisième qu’émet le CPP sur cette Recommandation.

Le CPP rappelle que, dans le cadre de cette nouvelle Charte, il a été « invité à auditionner les pouvoirs publics, préalablement à la publication de son avis, sur le thème de l’utilisation de personnages imaginaires et de la présence d’ambassadeurs particulièrement populaires auprès des enfants dans les créations publicitaires. »

Les membres du Conseil ont, dès lors, procédé aux auditions des représentants du Ministère des Solidarités et de la Santé et du Ministère des Sports.

Ils ont également auditionné la Présidente du Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO), membre du Conseil National de l’Alimentation et signataire de la « Charte alimentaire » depuis la première version de celle-ci en 2009 ainsi qu’une chercheuse sur ses travaux dans le cadre de sa thèse relative au processus d’influence de l’humour dans une communication préventive du surpoids et de l’obésité : le cas de la parodie et de l’humour noir et un représentant des annonceurs du secteur.

II – Constats

  • La « Charte Alimentaire »

Le CPP a pris connaissance des engagements contenus dans la nouvelle « Charte alimentaire » 2020-2024 afin de mieux cerner le contexte dans lequel son avis devait intervenir.

Il a relevé, notamment, que dans la version de 2020 de la « Charte alimentaire » – comme pour la « Charte alimentaire » de 2009 et celle de 2013 – les engagements pris ne s’inscrivent pas dans un principe d’interdiction de publicités pour certains produits, mais dans des actions visant à promouvoir les bons comportements, en particulier la lutte contre la consommation excessive et la valorisation de l’activité physique et sportive, ainsi que l’éducation à la santé et l’information des consommateurs.

Il a noté que la nouvelle « Charte alimentaire » a été étendue à de nouveaux acteurs (le numérique, la radio et l’affichage) et que les professionnels ont pris des engagements pour agir à tous les niveaux et, notamment, en plus de l’évolution de la Recommandation ARPP Comportements alimentaires, le renforcement des actions de sensibilisation, de pédagogie et de contrôle de sa bonne application, ainsi que des programmes d’éducation, des programmes courts diffusés gracieusement par les chaînes, et des messages de prévention et des campagnes collectives faisant la promotion des produits dont il convient d’augmenter la consommation relayés, à des conditions tarifaires adaptées, par les diffuseurs.

Le CPP souhaite, en outre, mentionner qu’il ne lui a pas échappé que cette Charte s’inscit dans la volonté des signataires de protéger des publics cibles (personnes en situation de précarité, jeunes, populations ultramarines, etc.) et de réduire efficacement l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires ou des boissons contenant des nutriments ou des substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique dont la présence en quantités excessives dans le régime alimentaire global n’est pas recommandée.

  • Recommandation ARPP Comportements alimentaires

Sur la Recommandation ARPP Comportements alimentaires, les membres du CPP tiennent à rappeler qu’elle joue un véritable rôle sur les bons comportements alimentaires en encadrant le contenu des messages et la représentation des comportements.

Ils soulignent que les règles qui y sont contenues concernent l’ensemble des produits mis sur le marché et autorisés à la vente.

Comme cela a été précisé aux personnes auditionnées, au regard de son champ d’intervention et donc dans le cadre du présent Avis, les membres du CPP formulent des préconisations qui doivent se traduire en règles déontologiques visant le contenu et la qualité des publicités. Ils ne sont, dès lors, pas compétents pour s’exprimer sur la composition des produits et leurs qualités nutritionnelles ni sur la quantité des publicités diffusées par type de produits.
Ainsi, le CPP précise qu’il ne peut émettre des règles pour proscrire la consommation de certains aliments ou boissons mis sur le marché ou encadrer le contenu des messages publicitaires en ayant une approche différenciée selon les produits.

Dans le cadre de ses travaux sur le sujet, le CPP a analysé les résultats du dernier bilan d’application de la Recommandation Comportements alimentaires qui est réalisé par l’ARPP conjointement avec le Président du CPP, statutairement un représentant d’une association, nommé par son ministre de tutelle.

Les membres du CPP ont constaté que les résultats de ce bilan comme des précédents qui leur sont présentés chaque année avant d’être rendus public – sont très satisfaisants en ce qui concerne l’application des règles et démontrent un niveau de vigilance et d’intégration élevé des règles contenues dans la Recommandation. Ils saluent l’initiative de l’ARPP d’avoir étendu, au-delà du champ habituel d’analyse, l’examen des publicités diffusées sur l’Ile de la Réunion durant des « périodes témoins » de l’année 2019, anticipant ainsi des engagements pris par l’ARPP et l’interprofession dans le cadre de la nouvelle Charte, applicable au 1er février 2020, notamment, renforcer les modalités de contrôle après diffusion de l’ARPP des campagnes publicitaires en faveur des publics ultramarins dans le cadre de ses bilans.

Dans le dernier Bilan qui leur a été présenté, les membres du CPP se sont longuement interrogés sur une des publicités retenues comme un manquement au point 1/4 de la Recommandation sur le contexte de consommation selon lequel « Aucune scène de consommation devant un écran au sein du foyer ne doit être représentée qu’elle mette en scène des individus ou des personnages de fiction, réels ou imaginaires. ».

Ils ont effectivement observé une interprétation très stricte de cette règle pour la mise en scène d’une réunion de famille au sein de deux foyers connectés en vidéo conférence pour partager un repas, dans le but de célébrer un événement exceptionnel – tel qu’un anniversaire – avec un membre de la famille éloigné géographiquement ou pour respecter des préconisations sanitaires.

Nonobstant ce constat, les membres du CPP ne souhaitent pas préconiser d’introduire une exception au principe contenu dans cette règle. Néanmoins, afin d’éviter d’aboutir à ce qui pourrait être perçue comme une application saugrenue voire contradictoire de la règle, ils attirent l’attention de l’ARPP dans le cadre de sa mission quotidienne de veiller à sa bonne application, avant comme après diffusion, ainsi que celle du JDP dans le traitement des plaintes qui lui sont adressées au regard de ladite Recommandation, afin de les sensibiliser à une lecture plus équilibrée permettant de pondérer la règle dans des cas particuliers similaires à celui relevé.

S’agissant de l’activité du Jury de Déontologie Publicitaire (JDP), qui reçoit les plaintes pour des publicités diffusées afin d’en apprécier la conformité aux Recommandations du Code de l’ARPP et qui est donc, de fait, chargé du suivi régulier de l’application de ce texte, le CPP a remarqué qu’il n’a pas rendu, sur 2018 et 2019, d’avis impliquant les règles de cette Recommandation relatives aux comportements alimentaires. Un seul avis « plainte fondée » a été émis par le JDP, en juin 2018, sur une publicité non conforme aux dispositions du point 1-6, a) consacrées aux valeurs sociales, qui prévoit que « La publicité doit éviter toute forme de stigmatisation des personnes en raison de leur taille, de leur corpulence ou de leur maigreur ».

Le CPP a noté, lors des auditions, que les règles concrètes qui sont contenues dans la Recommandation ARPPComportements alimentaires engagent fortement les communicants et qu’elles ont permis de modifier profondément le contenu des messages publicitaires depuis leurs mises en place et par leurs révisions régulières.

Il acte que la Recommandation représente, en Europe, le texte le plus abouti adopté par les professionnels pour encadrer les bons comportements alimentaires.

Il a relevé que ce texte avec la « Charte alimentaire » sont perçus comme des outils ayant des impacts positifs pour contribuer à lutter contre l’obésité.

Le CPP souhaite rappeler que, comme tous les acteurs qui contribuent au dispositif de régulation professionnelle de la publicité concertée avec la société civile, il s’affiche comme étant un des promoteurs d’une publicité responsable.

Tout en actant le travail qui a été réalisé par l’ARPP et les professionnels depuis 2009 sur le sujet, le Conseil Paritaire de la Publicité, au regard des engagements contenus dans la « Charte alimentaire », des attentes exprimées lors des auditions qui ont été réalisées ainsi que celle émises par les associations, membres du CPP, est convaincu de la pertinence de faire évoluer sur certains points la Recommandation pour une publicité toujours plus responsable, quel que soit le support de diffusion utilisé.

III – Position dégagée par le CPP

Le CPP préconise que, pour l’actualisation de la Recommandation, les éléments suivants soient pris en compte :

1 – Sur le champ d’application de la Recommandation ARPP Comportements alimentaires 

Conformément aux préconisations des Avis relatifs à cette Recommandation que le CPP a produit en 2009, puis en 2014, le champ d’application de l’actuelle règle déontologique vise les comportements alimentaires des enfants mais aussi des adultes dans la mesure où la valeur d’exemplarité a paru incontestable.

Dans le même esprit, la mise à jour de la Recommandation devra continuer à couvrir les comportements alimentaires des adultes même si le CPP a bien noté, lors des auditions, que les enfants étaient la priorité.

Le CPP a, par ailleurs, entendu que l’humour ne devait pas être interdit. Mais, comme cela est prévu dans la version actuelle de la Recommandation, il doit être utilisé avec précaution.

Enfin, il précise que les professionnels se sont engagés, dans les messages publicitaires, à respecter des règles strictes contenues dans la Recommandation et les repères du Programme National Nutrition et Santé (PNNS) pour ne pas détourner les consommateurs d’un bon équilibre alimentaire, mais que la Recommandation vise tout autant les bons comportements alimentaires que l’activité physique.

Sur l’activité physique, par l’écoute des parties prenantes, le CPP a noté que les demandes qui lui ont été exposées relevaient de messages de promotion de l’activité physique et, plus précisément, de la pratique d’une activité physique quotidienne qui, par rapport au sport, s’inscrit dans le cadre d’un objectif accessible et atteignable par la grande majorité des citoyens.

Dans la mesure où le principe de cette Recommandation est de contenir des règles qui demandent de ne pas représenter certains comportements qui seraient contraires aux bonnes pratiques alimentaires et d’hygiène de vie [comme le fait de ne pas présenter de situation de consommation devant un écran au sein du foyer], des règles mentionnant des contenus, comportements, actions et représentations non autorisés qui peuvent être contrôlées tant par l’ARPP que par le JDP, le CPP n’est pas en mesure de préconiser l’adoption de règles créant des obligations positives qualitatives ou quantitatives sur le sujet.

Il s’est, néanmoins, interrogé sur comment traduire, dans son avis, cet appel fait aux marques à promouvoir cette incitation.

Ainsi, le CPP souhaite inviter les entreprises, dans le cadre d’une démarche volontaire, à faire le choix d’une promotion plus proactive de l’activité physique quotidienne dans leurs communications, dès lors que la situation le permet.

A cette fin, il consacre un encart dédié, à la fin du présent avis.  

2- Sur le thème de l’utilisation de personnages imaginaires et de la présence d’ambassadeurs particulièrement populaires auprès des enfants dans les créations publicitaires

La Recommandation actuelle énonce sur ce point, au paragraphe 2/1 Associations de performances à l’humour ou à un univers imaginaire :

a/ Les jeunes enfants ne doivent pas pouvoir croire que la prise d’un aliment produise un effet de nature à modifier leur vie quotidienne (activité artistique, scolaire, sportive) par des performances exceptionnelles.

L’utilisation, par la publicité, de l’humour, de situations décalées ou la référence à des univers imaginaires est, par suite, légitime dans la mesure où elle reste dans le registre de la fantaisie et ne conduit pas à une fausse interprétation, par de jeunes enfants, des performances réelles qui pourraient découler de la consommation d’un aliment.

b/ La publicité mettant en scène des personnages imaginaires mais connus dans des œuvres de fiction diffusées par ailleurs et incitant les enfants à consommer un produit, ne doit, en aucun cas, promouvoir des comportements qui seraient contraires aux règles de bonnes pratiques alimentaires et d’hygiène de vie.

 Le CPP note, dans un premier temps, que la règle qui s’applique aux « personnages imaginaires » pourrait être complétée afin de viser expressément les ambassadeurs, les influenceurs, les personnages populaires, célèbres ou ordinaires qu’ils soient imaginaires ou pas.

Pour les influenceurs, le CPP a effectivement noté que la communication de ces derniers était traitée dans la Recommandation de l’ARPP intitulée « Communication publicitaire digitale ». Mais, il considère que cela ne s’oppose pas à ce que la notion soit explicitement reprise dans la Recommandation Comportements alimentaires. En effet, le développement de la communication numérique à laquelle, notamment, les enfants peuvent être exposés, justifie que les influenceurs soient clairement nommés pour attirer l’attention des acteurs concernés sur ce point de vigilance.

Dans un deuxième temps et dans la mesure où toutes les règles relatives aux bons comportements contenues dans la Recommandation ARPP Comportements alimentaires sont applicables aux personnages imaginaires, le CPP préconise de le mentionner de manière explicite dans chacune des dispositions qui s’y prêtent, comme c’est déjà le cas pour la disposition relative au contexte de consommation.

Enfin, afin de compléter son point sur l’activité physique quotidienne, relévé au paragraphe III- 1- du présent avis qui vise le champ d’application de la Recommandation, le CPP considère qu’il pourrait être opportun de préciser la notion d’hygiène de vie présente dans la Recommandation, qui englobe nécessairement la pratique régulière d’activités physiques et/ou sportives mais également le sommeil réparateur.

Il souhaite que soit portée une attention particulière à cette précision afin que la notion d’hygiène de vie soit suffisamment définie.

3- Autres préconisations du CPP

Les membres du CPP n’ont pas relevé, lors des auditions, d’autres demandes spécifiques, qui entrent dans son champ de compétence, que celles exposées ci-dessus et auxquelles il a apporté une réponse. Il a constaté que, sur les autres points, le texte actuel demeurait en phase avec les attentes sur le contenu des messages publicitaires.

Cependant, au-delà des auditions, les membres du CPP ont identifié d’autres pistes de mises à jour et souhaitent formuler les préconisations suivantes :

  • La Recommandation actuelle de l’ARPP prévoit, au paragraphe 1/6 Comportements alimentaires et valeurs sociétales, un point sur la diversité ainsi rédigé : « La publicité doit éviter toute forme de stigmatisation des personnes en raison de leur taille ou de leur corpulence ou de leur maigreur. »

Le CPP s’est questionné sur la possibilité d’étendre la non-stigmatisation aux personnes en raison de leurs choix alimentaires afin de s’assurer du respect de chacun dans son environnement et son contexte culturel et à condition que cela ne soit pas contraire aux autres dispositions de la Recommandation.

  • Dans le préambule de la Recommandation, le CPP suggère des ajouts :
  • Au regard de la « Charte alimentaire » qui privilégie les engagements volontaires des acteurs signataires en faveur d’une alimentation saine et durable, le CPP recommande que ces notions « saine » et « durable » soient introduites.
  • Comme il l’avait fait en 2009, le CPP rappelle que l’alimentation est un fait culturel qui renvoie à des notions de plaisir, de convivialité et de goût. Le préambule pourrait, dès lors, évoquer que l’alimentation, la façon de cuisiner, de s’alimenter et de prendre les repas s’inscrivent dans une spécificité culturelle forte en France.
  • Enfin, le CPP a pris note de l’Avis n°81 – 2018 du Conseil National de l’Alimentation (CNA) intitulé « Alimentation favorable à la santé » qui propose une définition de ces termes « alimentation favorable à la santé », en indiquant, notamment, que « celle-ci contribue de manière durable au bien-être physique, mental et social de chacun ». Il propose que la première phrase du préambule, qui contient ces termes, apporte une précision au regard de cette définition ou des éléments contenus dans la « Charte alimentaire » qui y font également référence.
  • Enfin, dans la « Charte alimentaire » 2020-2024, les annonceurs et/ou l’Union des marques se sont engagés à « veiller à ce que les messages publicitaires ne fassent pas la promotion de comportements alimentaires spécifiques susceptibles de causer de graves carences ».

Les professionnels signataires ont émis le souhait que cette règle qui concerne le contenu des messages puisse, le cas échéant, être inscrite dans la Recommandation ARPP Comportements alimentaires.

Les membres du CPP y souscrivent sous réserve que cet ajout ne soit pas redondant avec les règles déjà présentes dans le texte actuel, notamment, avec les recommandations émises par le Programme National Nutrition et Santé (PNNS) qui sont citées.

Encart du CPP

Le CPP a pour mission principale de produire des Avis publics pour créer ou améliorer des règles déontologiques, après auditions des parties prenantes concernées.

Néanmoins, comme il l’a déjà fait dans le cadre de ses avis, il peut, au-delà des règles déontologiques liées au contenu des publicités, émettre dans son avis un encouragement à destination des responsables des communications à faire le choix, dans le cadre d’une démarche volontaire, d’une promotion plus proactive dans tel ou tel domaine.

En ce sens et au regard de l’attente exprimée lors de l’audition d’un représentant du Ministère des sports, les membres du CPP invitent les entreprises, dans le cadre d’une démarche volontaire, à promouvoir de manière plus proactive dans leurs communications, par tout moyen et lorsque la situation le permet, la pratique d’une activité physique quotidienne, quelle qu’en soit la nature.

Paris, le 2 février 2021.